Prix du public les yeux docs :
mercredi 12 mars à 18h00 : Adieu sauvage. Bibliothèque d'Abriès
mercredi 19 mars à 18h00 : L'énergie positive des dieux. Bibliothèque d’Arvieux
mercredi 26 mars à 18h00 : Silent voice. Bibliothèque d’Arvieux
mercredi 2 avril à 18h00 : Chaylla. Bibliothèque de St Véran.
Adieu sauvage
Sergio Guataquira Sarmiento
Le réalisateur Sergio Guataquira Sarmiento retourne en Colombie pour réaliser un film sur une épidémie de suicides dans les communautés amérindiennes. C’est l’occasion pour lui de renouer avec ses racines oubliées.On connaît les risques de l’exil : en quittant son pays, on se condamne à ne plus adhérer ni à sa culture d’origine, ni à sa terre d’accueil, à vivre éternellement dans un entre-deux. Sergio Guataquira Sarmiento réinvestit la question en la liant à un exil statique et intérieur : les peuples indigènes de Colombie, comme ceux des autres pays d’Amérique du Sud, n’ont pas eu à quitter leur contrée pour vivre cette expérience douloureuse, seulement à se voir encercler par une civilisation qui a exploité leurs ressources et créé autour d’eux un nouvel ailleurs. Dans la jungle du Vaupés, Sergio, venu de Belgique où il vit depuis des années, rencontre Laureano, membre du peuple cacua qui parle aussi l’espagnol et se propose de l’accueillir dans son village. Paradoxe : son nom à consonance indigène avait valu à Sergio les brimades de ses camarades de classe, mais ici, il est vu comme un Blanc.Auprès de ces familles vivant de façon autosuffisante, sa présence est superfétatoire. Tout au plus peut-il apporter à ses hôtes un mot absent de leur vocabulaire : « nostalgie ». Ce sentiment doux-amer présent d’emblée dans les mots de Sergio, pleins d’autodérision, comme dans les délicates nuances de gris de la photographie, finit par étreindre le film tout entier. Mais avant de repartir pour son exil éternel, Sergio aura au moins pu échanger avec Laureano comme on ne le fait qu’avec un ami, en observant la cime des arbres depuis une montagne, avant que les contours de ce paysage immémorial soient engloutis par le soleil couchant.(Olivia Cooper-Hadjian, Cinéma du réel 2023)
L’énergie positive des dieux
Laetitia
Møller
Leur
musique est une déferlante électrique. Leurs textes assènent une
poésie sauvage. Stanislas, Yohann, Aurélien, Claire et Kevin sont
les chanteurs du collectif Astéréotypie. Ce groupe de rock
post-punk né dans un institut médico-éducatif dévoile sur scène
un univers détonnant, encouragé par Christophe, un éducateur aussi
passionné d’art brut que de pédagogie. Il faut avoir vécu dans
une grotte pour être passé à côté du collectif Astéréotypie.
Ce projet musical rassemble des jeunes inscrits à un atelier de
création poétique dans l’Institut médico-éducatif de
Bourg-La-Reine (92), Christophe L’Huillier, éducateur spécialisé
et guitariste aux doigts de fée ainsi que deux membres du groupe de
rock Moriarty. Depuis Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la
Drôme, le titre-phare de l’album éponyme sorti en 2022, on les a
vus partout. Dans les festivals (L’Étrange Festival, Fête de
l’humanité, Art rock, bientôt Rock en Seine…), les salles de
concert (Bataclan, L'Épicerie moderne...) et bien entendu, les
salles de cinéma, à l’occasion de la sortie du film en 2022. On
retrouve même nos interprètes à la télévision car ces derniers
participent à l'émission Les Rencontres du Papotin sur France 2, un
“magazine d’interviews atypiques dont la rédaction est composée
de jeunes journalistes non professionnels porteurs de trouble du
spectre autistique”. S’il ne fallait regarder qu’un moment,
l’entretien Papotin avec Emmanuel Macron restera dans notre mémoire
télévisuelle. Ce n’est pas la première fois qu’un film explore
les liens entre trouble du spectre de l’autisme et création. Julie
Bertuccelli s’est penchée sur la poésie de Babouillec dans
Dernières nouvelles du cosmos (2016), Alex Lehmann a suivi un
collectif de jeunes comiques dans Asperger's Are Us (2016). En
formant un méli-mélo poétique, parfois humoristique, souvent
proche du collage surréaliste, les auteurs font trinquer ensemble
des icônes populaires, comme Jean-Claude Van Damme,
Marie-Antoinette, Mickaël Vendetta, ou Ponyo, l'héroïne
tumultueuse de Miyazaki. Au-delà des étapes de l’écriture et de
la composition, Lætitia Møller donne également à voir le travail
performatif des jeunes interprètes. Sur scène, les chanteurs ont
une énergie de feu, un phrasé singulier, une authenticité, une
présence au monde qui leur appartient. L'originalité des mots et
sujets, une fois déclamés, devient incantation noisy, poésie
sonore et diatribe survoltée ! Sur des riffs de rock ou de garage,
les chansons du collectif initient une réinvention poétique du
langage et chamboule l’auditeur-spectateur. Impossible de rester en
place : on a envie de renverser les tables, pour bousculer toutes les
règles !
Silent Voice
Reka
Valerik
Jeune
espoir du MMA (Mixed Martial Arts), Khavaj a fui la Tchétchénie
lorsque son frère a découvert son homosexualité et promis de le
tuer, sous la pression du régime dictatorial de Ramzan Kadyrov.
Arrivé à Bruxelles, et devenu mutique face au choc de l’exil, le
seul lien que Khavaj garde avec la Tchétchénie sont les messages
vocaux que lui envoie sa mère. D'après le journal russe Novaïa
Gazeta et le Réseau LGBT russe, la Tchétchénie, république
musulmane du Caucase, est accusée de pratiquer depuis 2017 une
“purge homosexuelle”. Les autorités persécutent des membres de
la communauté gay et incitent leurs familles à les tuer pour "laver
leur honneur". Cette politique active d’éradication permet
aux autorités de nier l’existence de ces populations dans le pays.
Les victimes des violences sont poursuivies à distance par des
membres de la diaspora tchétchène. Le film dépeint les premiers
mois en Belgique de Khavaj, qui est victime d’un double
déracinement : condamné à vivre loin de son pays, il doit aussi
renoncer aux liens avec son entourage. Silent Voice exprime avec
force ce climat de paranoïa. Pour ne pas prendre de risques, le
réalisateur Reka Valerik, lui aussi Tchétchène, a dû préserver
l’anonymat du jeune homme et refuser de communiquer aux médias
tout détail les concernant. Dans ce film qui ne s’extrait jamais
d’un cadre nocturne et fantômatique, comment transmettre les
émotions et le vécu d’une personne privée de mots et de visage ?
Reka Valerik refuse d’utiliser des techniques comme le floutage. Il
expérimente une méthode alternative en filmant Khavaj en gros plan
ou dans la pénombre, afin qu’il ne soit pas reconnu. Sa mise en
scène repose sur la représentation fragmentaire du jeune homme
tandis qu’il s’exerce à retrouver sa voix ou endurcir son corps.
Dans cette proximité sonore et visuelle, un espace d’intimité
ouvre sur des émotions et des sensations partagées avec le
spectateur, dont l’imaginaire est stimulé par ce silence, cette
souffrance inaudible. Car, outre un film sur le corps, Silent Voice
est aussi une œuvre sur le langage. Khavaj est assailli par les
sollicitations des intermédiaires qui interviennent aux différentes
étapes de son parcours : médecins, administrations, aidants...
Sortir du silence est indispensable à sa demande d’accueil. Les
mots restent pourtant bloqués dans sa gorge, tandis que sa mère
abreuve son répondeur téléphonique d’un flot de paroles tantôt
aimantes, en tchéchène, tantôt menaçantes, en russe.
Chaylla
La vie n’a pas été clémente pour Chaylla Rebahia. Née à Roubaix, mère au foyer d’un jeune fils atteint de mucoviscidose, Chaylla subit la colère de son mari devenu violent et alcoolique. Pourtant, Chaylla fait face. Sa détermination n’a d’égale que sa dignité.Des violences conjugales, nous ne connaissons que les statistiques des dépôts de plainte. Ainsi 244 000 victimes déclarées en 2022 : deux tiers pour des violences physiques, un petit tiers pour violences verbales ou psychologiques et 5 % pour violences sexuelles. Nous savons que l’écrasante majorité des victimes sont des femmes. Nous savons aussi que seule une victime sur quatre porte plainte. Des victimes, nous ne connaissons que des visages floutés et leurs voix maquillées entrevues à la télévision. Car rares sont celles qui ont le courage de témoigner, le courage de surmonter publiquement l’humiliation des coups et le désastre social du divorce. Clara Teper et Paul Pirritano ont pris le temps de la complexité, car le chemin est long et l’accompagnement indispensable. Plus qu’un portrait, le film est un compagnonnage avec Chaylla pour exposer l’endroit de l’envers, le social et l’intime, la procédure judiciaire et la famille que Chaylla continue à porter à bout de bras. Le quotidien est ainsi la matière d’un récit au centre duquel Chaylla se métamorphose lentement. De victime, la jeune femme s’empuissance pour puiser la force de prendre son destin en main. Chaylla n’est ni un modèle, ni une héroïne. Elle incarne en revanche une figure de la résilience, pour ses fils Melvin et Warren, comme pour elle-même.
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